lunes, 27 de septiembre de 2010

Un film ressuscité au festival de Pyongyang

Philippe Pons
Le Monde

La Chine a été à l'honneur du 12e Festival international du film de Pyongyang, qui s'est tenu du 17 au 24 septembre, avec le film Aller à l'école à pied, du réalisateur Peng Xin, qui a reçu le premier prix. La France n'a pas été de reste avec le Prix spécial du comité d'organisation à une coproduction franco-nord-coréenne, Moranbong.

Le discret événement festivalier, qui n'a rien des spectacles à tapis rouge et à ballet de vedettes, est l'occasion de "voir des films que l'on ne présente pas ailleurs et de rencontrer des cinéastes qui ne fréquentent pas les grands festivals", commente Derek Elley, critique de Film Business Asia, qui a présidé le jury. On ne saurait si bien dire : le Festival de Pyongyang aura été marqué par une "première"... attendue depuis un demi-siècle par les Coréens : la projection de Moranbong, réalisé en 1958 par Jean-Claude Bonnardot sur un scénario d'Armand Gatti.

A peine monté en France, le film fut interdit à la distribution et à l'exportation : il présentait "sous un jour peu favorable les troupes de l'ONU" ayant combattu pendant la guerre de Corée (1950-1953). L'interdiction fut levée en 1964, mais le film n'avait jamais été présenté en République populaire démocratique de Corée (RPDC).

L'aventure de "Moranbong"

Ce long métrage transpose à l'époque moderne une célèbre légende coréenne, L'Histoire de Chunhyang (traduction française Zulma 2008), contant les amours contrariées de deux amants. Elle inspira un pansori, sorte d'"opéra" populaire coréen dans lequel un conteur narre, chante et interprète une histoire. Dans le film, les deux amoureux sont séparés par la guerre. Tourné sur place avec des moyens techniques importants pour l'époque et des acteurs coréens, Moranbong, dont Jean-Jacques Hocquard, directeur du centre de création culturelle La Parole Errante, a retrouvé une copie en 2008 ainsi que le script d'Armand Gatti dans sa version coréenne, - l'original est perdu -, est à lui seul une aventure. Il est lié à l'équipée en RPDC des réalisateurs accompagnés entre autres des cinéastes Claude Lanzmann, - qui raconte ce périple dans Le Lièvre de Patagonie -, et Chris Marker. Qu'allaient-ils chercher là-bas, en Chine et plus tard à Cuba ? "Avant tout, une rupture avec le modèle soviétique", écrit Chris Marker dans l'édition coréenne (1997) de son livre Coréennes.

Moranbong a quelque peu surpris l'audience. "Le pansori n'est pas un art de masse, et certains événements de la guerre présentés dans le film étaient, semble-t-il, mal connus des spectateurs", commente Jérémy Segay, de la Quinzaine des réalisateurs, qui travaille à un documentaire sur l'histoire peu commune de ce film : la première coproduction de la RPDC avec un pays non communiste réalisée avec le seul membre de l'Union européenne qui n'a toujours pas établi de relations diplomatiques avec Pyongyang...

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